Notes sur l’ouvrage de Frédéric Gros, Pourquoi la guerre ? Albin Michel, 2023

Par Bernard Drevon

 

On ne saurait trop conseiller la lecture de cet essai qui nous donne une grille d’interprétation de la guerre, des guerres du passé comme celle sévissant actuellement entre la Russie et l’Ukraine, tout en explorant les différentes théories et dimensions des guerres sur les plans politique et philosophique. 

 

Comme le souligne l’auteur, cette fois c’est vraiment la guerre après l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022. Il est frappé par la stupeur paradoxale qui s’est emparée des esprits et des médias à cette occasion. Une vraie guerre aux portes orientales de l’Europe, évènement que l’on croyait impossible paradoxalement car le dernier demi-siècle avait connu des formes inédites de violences de masse : guerres par procuration, guérillas, actes terroristes, guerre globale… 

L’auteur se propose d’explorer les différentes dimensions de ce conflit qui permettent de le définir comme une vraie guerre, différente des affrontements précédents, en terminant par une réponse à l’interrogation initiale « pourquoi la guerre ? » et en tentant in fine d’envisager vers quelle paix elle pourrait conduire. 

Note de lecture sur le livre d’Eva Illouz Les émotions contre la démocratie, Premier Parallèle, 2022, traduit de l’anglais par Frédéric Joly - ISBN 978-2-85061-167-4

Notes par B. Drevon

Sociologue, directrice d’études à l’EHESS (Paris), Eva Illouz a vécu et enseigne en Israël. Elle travaille sur la marchandisation des émotions et ce qu’elle appelle le « capitalisme affectif ». Ses livres sont traduits dans le monde entier. 

Le livre commence par une riche introduction commentant les analyses de Theodor W. Adorno lors d’une conférence donnée à Vienne en 1967. Bien que le fascisme se fût officiellement effondré, selon lui nos sociétés restaient un terreau propice à de potentielles mouvances fascistes. Pour lui, fidèle aux enseignements de la théorie critique, le fascisme n’est pas un accident de l’histoire et peut s’incarner à nouveau dans des formes différentes des régimes des années 1920-1930. Il tient à la concentration du capital et à ses conséquences sur certaines couches bourgeoises menacées de déclassement. Il envisage donc le fascisme comme une peur du déclassement, de la perte des privilèges. Eva Illouz remarque que le populisme contemporain peut lui aussi être soutenu par des catégories privilégiées comme l’illustre les scores majoritaires obtenus par D. Trump en 2016. Ce sont les groupes aux revenus intermédiaires et très élevés qui ont le plus voté pour Trump. Les très bas revenus se sont eux, portés sur H. Clinton. On voit poindre ici les linéaments de l’analyse  de l’auteur qui se centrera sur les émotions et parmi celles-ci la peur et le sentiment de ressentiment. Un autre élément de l’analyse d’Adorno retient son attention :  le fascisme trouverait des éléments d’explication dans une certaine manière d’articuler les liens de causalité et de designer des coupables et des responsables. La bourgeoisie en déclin ne mettra pas en question les logiques capitalistes, mais désignera comme coupables ceux qui les critiquent. Il repère un processus cognitif crucial du proto-fascisme : l’incapacité de comprendre la véritable chaîne de causes à l’origine de la situation sociale. Le monde social peut être l’objet de distorsions fondamentales. 

Pourquoi relire Karl Polanyi au XXI e siècle ?

 

Extrait pour l’Association Les amis de Thorstein Veblen (Lyon)

 

 de l’article « Pourquoi relire Polanyi au XXIe siècle », L’Économie politique n°93, février 2022, p. 102-112.

Solène Morvant-Roux, 

Jean-Michel Servet, 

André Tiran.

 

Karl Polanyi est surtout connu pour son livre The Great Transformation, et en particulier pour une idée contenue dans celui-ci : la distinction entre une « économie intégrée dans les relations sociales » et « des relations sociales intégrées dans le système économique ». Selon cet auteur, les activités économiques et techniques n'étaient d’abord qu'une des nombreuses excroissances des activités humaines (1). L'économie archaïque a donc été au service des besoins humains. Mais, au fil du temps, influencés par la science économique dominante, les gens (en particulier les décideurs politiques) ont acquis la conviction que les marchés se régulaient d’eux-mêmes pour autant que les lois et les règlements ne les en empêchent. Ces convertis au libre marché ont affirmé que « seules les politiques et les mesures qui contribuent à assurer l'autorégulation du marché en créant les conditions qui font du marché le seul pouvoir organisateur dans la sphère économique sont de mise ». Peu à peu, à mesure que la pensée fondée sur le libre marché s'étendait à l'ensemble de la société ainsi que le règne de la machine, les humains et la nature ont été considérés comme des marchandises appelées « travail » pour ceux-ci et « terre » ou « ressources naturelles » pour celle-là. L'« économie de marché » avait transformé la société humaine en une « société de marché ». 

La Grande Transformation est le plus souvent lue comme un ouvrage d’histoire économique dans lequel son auteur conte quelques faits saillants ayant conduit les pays européens de l’implantation d’une société de marché au XIX e siècle jusqu’à la faillite de ce mode d’organisation et à la mise en place des régimes nazis et fascistes et communistes. Ses concepts sont empiriquement fondés et ne sont généralement pas introduits et discutés comme des concepts. 

Karl Polanyi, L’imaginaire économique.


Note de lecture, par Bernard Drevon - Les amis de Thorstein Veblen - Lyon

Nadjib Abdelkader, Jérôme Maucourant et Sébastien Plociniczak, Karl Polanyi et l’imaginaire économique, Paris, Le Passager Clandestin, collection « Précurseur.ses de la décroissance », 2020 - ISBN 978-2-36935-241-9 (126 p. 10 euros).

    Soulignons d’emblée le très grand intérêt de cet ouvrage qui présente de façon très claire la vie, l’oeuvre et les principaux aspects de la pensée de cet auteur souvent cité, mais finalement peu lu dans le texte.

    L’actualité de sa pensée doit être soulignée et cet ouvrage contribue pleinement à la faire connaître. Son premier apport est de considérer que l’intégration des éléments principaux constitutifs de la vie humaine à la logique marchande et capitaliste sans entrave soient le travail, la nature et la monnaie au XIX ° (puis pour nous à nouveau tendanciellement à partir des années 1980), constitue une rupture anthropologique majeure, porteuse de dérèglements pouvant conduire à des catastrophes économiques, sociales, politiques et écologiques à l’image de la crise de 1929 (et pour nous celle de 2008, de la pandémie et du réchauffement climatique). Il peut donc contribuer à une analyse des conséquences de la marchandisation du travail (inégalités, précarité), et de la crise écologique qui est déjà patente (application des critères de rentabilité, surexploitation, non prise en compte des externalités).
    Il conduit aussi une analyse critique de la monnaie comme support de spéculations dissolvant la stabilité économique, politique et sociale. Cette transformation de la monnaie en « marchandise fictive » s’est depuis considérablement approfondie et a été le moteur de la financiarisation de nos économies.  Ce caractère fictif est bien illustré de nos jours par l’immense création monétaire par les Banques centrales et l’existence de taux d’intérêt négatifs comme ultime recours à la poursuite de l’accumulation ce que Polanyi ne pouvait pas imaginer à son époque !
    Polanyi questionne donc les bienfaits d’une croissance indéfinie sous l’impulsion de la quête de l’élargissement continu de la sphère marchande, produisant enrichissement des uns et dégradation des conditions de vie d’une fraction croissante de la population en l’absence de règles et de  la prise en compte de l’intérêt commun et des besoins du plus grand nombre.
    De plus, au plan méthodologique, il montre que l’étude des questions économiques ne peut être dissociée de celles des systèmes institutionnels et culturels dans lesquels s’inscrivent les pratiques de production, de répartition des  revenus et de consommation. Tout comme T. Veblen, il s’inscrit dans une approche institutionnaliste des phénomènes économiques, refusant l’approche dominante qu’il qualifie de « formelle », reposant sur des hypothèses de comportement simplificatrices, réfutables et an-historiques.
        Il pourra être utile de compléter sa réflexion par une étude du néolibéralisme contemporain qui se montre plus actif en matière d’interventions publiques que le libéralisme classique pour instituer une société pleinement soumise aux lois du marché.
    Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que conseiller cet ouvrage clair, court (120 pages) donnant accès également à certains textes originaux de Karl Polanyi présentés en seconde partie.

Une émission très pertinente de La Conversation scientifique sur France Culture le 5/9/2020 sur le thème de la transition écologique et les modèles économiques nécessaires avec Gaël Giraud

 A écouter ici

Jean-Pierre POTIER
(Université Lumière-Lyon 2 – TRIANGLE-UMR n°5206 du CNRS)


Les économistes néo-libéraux au XXe siècle

Aujourd’hui, le mot « néo-libéralisme » est un « mot valise », employé pour des usages très variés. Il est donc nécessaire au préalable de distinguer plusieurs sens :


1- les doctrines économiques néo-libérales. Ces doctrines ont évolué des années 1930 aux années 1970 et elles contiennent des préceptes normatifs, des préconisations de politiques économiques qui s’appuyent sur des théories économiques. Pour certains auteurs, ces doctrines s’appuyent aussi sur des fondements philosophiques.


Le vocable « néo-libéralisme » apparaît chez les économistes dans les années 1930 (G. Pirou, L. Baudin, L. Rougier) dans les discussions sur le renouvellement du libéralisme (cf 1e partie).  Des années 1950 aux années 1970, ce vocable sera utilisé de temps en temps par des économistes allemands (Alexander Rüstow), mais aussi par l’économiste autrichien Friedrich A. Hayek (Droit, législation et liberté) pour désigner à la fois l’ordo-libéralisme et l’économie sociale de marché. A partir des années 1980, le vocable de « néo-libéralisme » sert à désigner la résurgence d’un libéralisme radical, opposé au keynésianisme et à l’intervention de l’Etat. Il va être employé par des ultra-libéraux en Europe (par ex H. Lepage) et aux Etats-Unis pour désigner cette fois les idées de Friedman, d’Hayek et des « néo-autrichiens » comme I. Kirzner (S. Audier, op. cit., p. 372-373 et 588-589). Il va être utilisé aussi par des auteurs critiques comme René Passet (L’illusion néolibérale, Paris : Flammarion, 2001) pour désigner Hayek et Friedman (réhabilitation du laissez-faire), par opposition aux « libéraux de la grande tradition » tels que J. Rueff et M. Allais.


2- par ailleurs, il existe le discours « néo-libéral » purement idéologique, véhiculé dans les médias.


3- ensuite, nous avons les politiques économiques néo-libérales concrètes, mises en œuvre dans tel ou tel pays, à telle ou telle période historique, qui sont plus ou moins en rapport avec certaines doctrines.


4-Mais pour certains auteurs (David Harvey), le « néo-libéralisme » désigne le régime économique à l’ère de la mondialisation et de la globalisation financière. 5-Enfin, pour d’autres auteurs, se référant à Michel Foucault, le « néolibéralisme » est la raison du capitalisme contemporain, « l’ensemble des discours, des pratiques, des dispositifs qui déterminent un nouveau mode de gouvernement des hommes selon le principe universel de la concurrence » , avec la figure de l’homme entrepreneur de lui-même.


Aujourd’hui, c’est le premier point qui va nous intéresser : les doctrines dites «  néo-libérales » des économistes au 20e siècle.

Le capital fait sa révolution

Notes à partir de l’ouvrage de Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique éditions, 2018 – Bernard Drevon

NDR - Cette note doit beaucoup à l’article de Joseph Confavreux du vendredi 19 octobre 2018 publié dans Mediapart « Dans la tête du capital » largement cité.

    Face aux revendications politiques démocratiques et sociales des années 1970, décrites par exemple par L. Boltanski et E. Chiapello dans leur ouvrage, Le nouvel esprit du capitalisme,  sous forme d’une double critique « artiste » d’une part, « sociale » d’autre part émanant de la jeunesse révoltée et de la classe ouvrière et ce depuis la fin des années 1960 (voir Mai 68), s’élabore un contre-mouvement théorique et pratique multiforme et procédant par tâtonnement. Il nous conduira au néolibéralisme contemporain, synthèse largement « bricolée » au fil des stratégies d’entreprise et de la résolution de questions de politiques économiques et de contrôle social, mais qui s’est également appuyée sur les contributions théoriques de philosophes et d’économistes. Le fil directeur adopté est celui de la « gouvernementalité », hérité de Foucault, mais largement réinterprété et actualisé. Bien que portant sur les années 1970 et 1980, cet ouvrage nous donne des schèmes d’interprétation pour comprendre la société contemporaine à l’heure où la conflictualité semble rebondir, tout en prenant des formes nouvelles (voir le mouvement des « gilets jaunes »).

D’un institutionnalisme à un autre

Commentaires sur « Des marchés au Marché, d’une transformation à une autre », postface d’Alain Guéry à « Polanyi, Arensberg et Pearson, 2017, Commerce et marché dans les premiers Empires - Sur la diversité des économies, Paris, Le bord de l’eau »

Olivier Brette
INSA Lyon, Université de Lyon / CNRS Triangle, UMR 5206

Il me revient le privilège et l’honneur de soumettre à la discussion quelques commentaires sur le texte d’Alain Guery (2017).
Je voudrais d’abord saluer le choix, particulièrement heureux à mon sens, qui a été fait de confier à Alain la postface de la réédition de Commerce et marché dans les premiers Empires. Ceci pour deux raisons au moins. En premier lieu, il faut rappeler ici qu’Alain Guery est non seulement un éminent historien mais qu’il est aussi un très fin connaisseur de l’économie institutionnaliste, un courant de pensée économique dans lequel s’inscrit notamment l’œuvre de Karl Polanyi. Ce double champ d’expertise permet à Alain d’apprécier l’importance des enjeux, tant disciplinaires qu’interdisciplinaires, dont est porteur le projet mis en œuvre par Polanyi et ses coauteurs. En second lieu, il faut souligner combien est fécond le regard qu’Alain Guery, historien des rapports entre économie et politique à l’époque moderne, porte sur cet ouvrage dédié principalement à l’économie des sociétés primitives et antiques. Particulièrement stimulante est la mise à l’épreuve de certains choix méthodologiques de Polanyi, qui conduit Alain à mettre en exergue une sorte de point aveugle dans l’analyse polanyienne, qui s’étend, en Europe, du bas Moyen Âge à la seconde moitié du XVIIIe siècle. Durant cette période nous dit Alain Guery, « [l]es marchés sont bien restés enchâssés dans le reste de la civilisation, au point même d’y être en symbiose, mais cela leur a permis de diffuser des règles nouvelles, plus simples et plus générales, qui ont mené à une première transformation, de plus longue durée, à laquelle Polanyi n’avait pas pensé, plus attentif aux sociétés plus lointaines dans le temps et l’espace que celles où s’est jouée sa Grande transformation » (p. 457).

Cédric Hugrée, Alexis Penissat, Alexis Spire, Les classes sociales en Europe, Tableau des nouvelles inégalités sur le vieux continent, L’ordre des choses, Agone, 2017


     Les auteurs nous proposent un ouvrage original qui entend renouer avec une approche en termes de classes sociales en l’appliquant à l’échelle européenne.  Ils entendent d’une part renouer avec une approche théorique  définissant les classes par leurs diverses dimensions, refusant de les réduire à une simple échelle de revenus et de patrimoines mais en intégrant les conditions d’emploi et de travail, les styles de vie, les conditions de logement, les pratiques culturelles et de loisirs. D’autre part, ils s’appuient sur de nombreuses données empiriques tirées de 4 grandes enquêtes européennes harmonisées et sur l’existence depuis 2014 d’une classification socioprofessionnelle en Europe appelée European Socio-Economic Group (Eseg) adoptée en 2016 par Eurostat.  L’Eseg distingue sept groupes socioprofessionnels (cadres dirigeants ; professions intellectuelles et scientifiques ; professions intermédiaires salariées ; petits entrepreneurs (non salariés) ; employés qualifiés ; ouvriers qualifiés salariés ; professions salariées peu qualifiées) que l’on peut regrouper en trois classes (populaire, moyenne, supérieure).

Capitalisme, capitalismes…   


Bernard Drevon
Lyon, le 25/2/2017

(avec mes remerciements à Olivier Brette et Jérôme Maucourant pour le travail de relecture et de correction)

Introduction

    Notre réflexion portera sur les évolutions principales du capitalisme et des relations sociales qui le caractérisent. Elle laissera donc en dehors de son champ d’étude d’autres éléments de l’histoire et de nos sociétés contemporaines tout aussi importants, refusant de se placer dans une perspective déterministe où l’économique serait déterminant en dernière instance. De plus, pour limiter l’ampleur du propos, nous tenterons d’isoler quelques grandes tendances sans souci d’exhaustivité et avec une grande prudence face à la complexité du réel… Un des fils conducteurs est la réflexion sur le statut de la finance dans l’évolution du capitalisme, ses fonctions et les contradictions dont est porteuse la financiarisation.

 La finance au service de l’accumulation dans le premier capitalisme industriel

    Un système économique est, selon la définition de Karl Polanyi un « procès institutionnalisé d’interaction entre l’homme et son environnement, qui se traduit par la fourniture continue des moyens matériels permettant la satisfaction des besoins. » (1) Le système capitaliste n’est qu’un mode particulier d’institutionnalisation du processus de production, celui de la propriété privée des moyens de production. Dans ce système, l’initiative de la production revient aux acteurs privés, individus comme entreprises, guidés par la recherche du profit. Dans un second temps, ceux-ci valident socialement leur production en satisfaisant la demande des consommateurs s’exprimant sur un marché. (2)

Philippe Frémeaux nous signale la sortie de son livre Après Macron - Les petits matins - 2018

Il en présente ainsi les objectifs :

"Face à cette situation, s’il est urgent de reconstruire la gauche, ce n’est pas pour tourner le film à l'envers. Pour autant, si le clivage droite-gauche a été affaibli par de multiples raisons que je m’efforce d’analyser, il demeure pertinent à mes yeux même s’il faut renouveler la promesse portée par la gauche si l’on veut redonner de l’espoir aux classes populaires et rallier les classes moyennes séduites par Macron. Pourquoi l’idée de gauche demeure pertinente ? Parce qu’elle porte une conception de la liberté et de l'égalité qui n'est pas celle d'Emmanuel Macron. Lui met en avant la liberté d'entreprendre alliée à une pseudo égalité des chances qui permettrait à chacun, s'il en a le talent, de devenir millionnaire. On peut tout à fait considérer que la liberté d’entreprendre est une excellente chose. On doit se féliciter de l’autonomie croissante des individus et de l’émancipation qu’elle apporte, tout particulièrement pour les femmes. Mais être lucide sur les limites objectives à la capacité d’une la plus grande partie de nos concitoyens à être les entrepreneurs de leur vie au vu des des conditions d’accès à l'éducation, au logement, aux soins, à l'emploi, au revenu, au pouvoir d’agir, qui sont les leurs. Or, je doute que les politiques actuelles soient de nature à les faire réellement progresser au-delà des intentions affichées. Plus au fond, la gauche doit porter une autre conception de la « bonne société » qui repose sur l’idée que toute action qui concourt à l’égalité de tous étend la liberté de chacun. 
Après Macron a donc d'abord pour but de faire réfléchir sur le passé de la gauche et de redonner espoir à ceux qui aujourd'hui ne se résignent pas à voir leurs idéaux jetés à la poubelle. Il y a eu un avant-Macron, il y aura un après-Macron ! La base sociale de sa majorité est étroite au-delà de ce que nous indiquent des sondages de popularité par nature fluctuants. Une autre majorité politique pourrait tout à fait se dégager demain autour d'une vision porteuse d’une nouvelle conception du progrès, libérée du vieux logiciel social-démocrate productiviste, loin de celle portée par Emmanuel Macron, qui plonge ses racines dans le 19ème siècle. Sortir par le haut de la quadruple crise économique, sociale, écologique et démocratique dans laquelle notre pays est englué appelle une toute autre politique. C'est ce à quoi Après Macron veut contribuer."

 

 

Assemblée générale Les amis de Veblen

4 décembre 2017-

Café le 7° Lyon - 30 rue Renan 69007 - Lyon métro Jean Macé 04 78 72 41 33 - à proximité de la Mairie du 7 °.

 

Franc CFA : le débat interdit ?

 

Nous venons d’apprendre l’éviction brutale de notre collègue Kako Nubukpo de son poste de directeur de la Francophonie économique et numérique de l’Organisation Internationale de la Francophone (OIF) par la presse (Jeune Afrique 8/12/2017, Le Monde Afrique 8/12/2017). Il était venu en février nous présenter ses thèses à Lyon.

On lui reproche le non respect de l’obligation de réserve étant donné ses responsabilités. Il semble en fait que son positionnement critique sur la question du franc CFA ait profondément irrité quelques grands leaders africains et jusqu’au sommet de l’État en France d’après la presse.

Ne peut-on pas en effet critiquer sur la base d’arguments rationnels un système monétaire hérité de la colonisation (l’acronyme CFA a tout d’abord signifié « les colonies françaises d’Afrique ») et qui désigne aujourd’hui deux zones distinctes rassemblant quatorze pays : d’une part la « Communauté financière d’Afrique » (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Niger, Mali, Sénégal, Togo) et d’autre part la « Coopération monétaire d’Afrique » (Cameroun, République Centrafricaine, République du Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad). Ce sont ainsi plus de 150 millions de personnes qui utilisent dans leur vie quotidienne le franc CFA.

Sans nous prononcer sur le fond, nous pouvons souligner que notre collègue, professeur, agrégé d’économie du supérieur, formé à l’Université Lyon 2, docteur, ancien assistant dans cette institution et professeur à l’École de Management, ancien conseiller à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, ancien ministre du Togo, a conduit une analyse rationnelle, très éloignée de certains positionnements extrémistes à fondement exclusivement idéologique.

 

Il a rédigé avec d’autres économistes français et africains un ouvrage – Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc CFA ? coédité avec Martial Ze Belinga, Bruno Tinel, et Demba Moussa Dembele – La Dispute – 2016 et publié de nombreux articles.

 

Enrichissement. Une critique de la marchandise, Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, Gallimard, 2017, 672 p.

À l’heure où les inégalités entre les individus, les groupes et les nations n’ont jamais été aussi voyantes, Luc Boltanski et Arnaud Esquerre proposent de mener l’enquête sur les métamorphoses du capitalisme contemporain. Ils font le constat que le statut de la marchandise n’est plus aujourd’hui le même qu’hier. Alors que dans la société industrielle d’antan, la production de la valeur passait par la création de nouveaux objets, dans l’économie d’enrichissement d’aujourd’hui, l’important n’est plus tant de répondre à des besoins qu’à favoriser la mise en scène de choses déjà là. Il s’agit, autrement dit, d’enrichir le monde social comme on peut enrichir un métal. Les collectionneurs, estiment les auteurs, incarnent par excellence une telle posture, que l’on voit à l’œuvre tout particulièrement dans les arts plastiques, la culture, le commerce des objets anciens, le tourisme… Sur fond de désindustrialisation massive, le passé est donc devenu une des principales sources d’enrichissement du capitalisme. Le mouvement ne profite pas cependant de façon égale à tous. C’est une source d’enrichissement (au sens classique du terme cette fois) qui profite avant tout aux plus dotés en capital économique et de ce fait creuse les inégalités. Extrait de Sciences Humaines - 2/2/2017

18 mars 2017
Vers une société hyper-industrielle ?
Le Monde – Hervé Guillaud

On entend plus souvent parler de la fin de l’industrie que de sa renaissance. En s’intéressant au renouveau du capitalisme productif, l’ingénieur et sociologue Pierre Veltz (Wikipédia) livre, dans un ouvrage très synthétique pour l’excellente collection de la République des idées, un stimulant contrepoint.

Pour lui, le discours sur la révolution numérique qui promet une transformation radicale de la modernité suscite, en dehors d’une petite frange enthousiaste, plus d’angoisses que d’espoirs. L’avenir, pourtant, explique-t-il, n’est pas la fin de l’industrie, mais son renouveau.
Contrairement à ce qu’on pense souvent, « la production de biens et de services industrialisés est en croissance continue et représente une part à peu près stable de la valeur ajoutée globale ». Le déclin manufacturier doit donc être relativisé. Pour lui, c’est plutôt à une recomposition que l’on assiste, qui s’appuie sur la convergence entre industrie et services, et qui donne naissance à un monde non pas post-industriel, mais hyper-industriel.

Article intéressant de Gilles Raveaud dans Alternatives économiques - 23/1/2017  sur une des caractéristiques et contradictions du capitalisme néolibéral : la non accumulation du capital au sens marxien ou keynésien (par le réinvestissement des profits au sein des entreprises pour financer investissements et emplois…).

Comme l’expliquent depuis longtemps Duménil et Lévy - La crise du néolibéralisme - Harvard University Press - 2011, il s’agit là des éléments structurants du néolibéralisme entendu non pas comme un ensemble de politiques conjoncturelles mais comme une phase de l’histoire du capitalisme après le fordisme (depuis les années 1980). L’élection de Trump et le bon accueil qui lui est réservé par Wall Street devraient sans doute être interprétés à cette aune…

Voir ici (3 articles en accès gratuit) : http://www.alternatives-economiques.fr/thematiques/etats-unis

Quelques extraits :

"Au-delà des fluctuations conjoncturelles, les évolutions de ces dernières années ne laissent pas de place au doute : du strict point de vue capitaliste, le système économique ne fonctionne pas bien, car il ne permet pas de nouvelles augmentations du capital au travers d’investissements en hausse.

Franc CFA : retour sur une monnaie controversée

Alternatives économiques - Décembre 2016

Le franc CFA fait débat. Pour ses partisans, il apporte la stabilité. Mais pour ses détracteurs, il handicape la croissance et maintient l’Afrique dans la dépendance.
Plus de cinquante ans après leur accession à l’indépendance, les pays africains ne jouissent toujours pas d’une pleine souveraineté monétaire. Le franc CFA est un vestige de la colonisation française en Afrique.

- Comment diviser par trois d’ici 2050 les émissions de CO 2 pour limiter le réchauffement à 2 degrés ?

Un petit modèle tout simple (avec l'équation de Kaya)

Où il est question de démographie, d’un peu de physique, d’énergie, de croissance et d’Afrique….

http://theconversation.com/entre-croissance-du-pib-et-respect-des-engagements-climat-il-faut-choisir-64343

- Voir la conférence de Jean-Marc Jancovici

https://www.youtube.com/watch?v=gW8BBC8idho

Conclusion :

La croissance du PIB est incompatible avec l’objectif étant donné la démographie, la consommation d’énergie par unité produite, etc… Il faudrait donc proposer de nouveaux modes d’accession au bien-être et assurer de l’activité pour l’ensemble des jeunes générations surtout dans les pays émergents…

- Et si l'accord de Paris accélérait le changement climatique ?

Telle est la question gênante et surprenante que posent certains économistes ! Sur le blog de Martin Anota

http://www.blog-illusio.com/2016/11/et-si-l-accord-de-paris-accelerait-le-changement-climatique.html

Accélération. Une critique sociale du temps


À l’occasion de sa réédition en format de poche, il est intéressant de rappeler tout l’intérêt de ce grand livre (1). Hartmut Rosa est un sociologue et philosophe allemand qui s’efforce de susciter un renouveau de la Théorie critique de « l’École de Francfort », tout en voulant dépasser sa première forme (celle de T. Adorno et M. Horkheimer) et en se montrant critique vis-à-vis de J.Habermas et Axel Honneth. Le thème central de l’œuvre est celui de l’accélération sociale qu’il cherche à définir de façon rigoureuse. Celle-ci prend trois dimensions :  l’innovation technique (production, transport, communication), le changement social et le «rythme de vie ». L’accélération est à ses yeux un trait caractéristique de la culture de la modernité dès son origine  avant la Renaissance. Ce phénomène prend toute son ampleur dans la modernité tardive (la nôtre) qu’il distingue de la modernité classique (analysée par Marx et Weber).
Nourri de sociologie classique et de philosophie, il s’appuie plus particulièrement sur Marx (tout en refusant un strict déterminisme technologique), Weber (la rationalisation en tant que phénomène culturel), Simmel et W. Benjamin (pour le rythme de vie dans les métropoles).

 

Inégalités, dette, finance et crises

A partir de la réflexion de Steve Keen, L’imposture économique, Éditions de l’atelier – 2014

Voir aussi en complément un article de Martin Anota, Retour sur le lien entre inégalités, endettement et crises financières blog Illusio - D'un champ l'autre – décembre 2013 et les travaux de Jérôme Héricourt et Rémi Bazillier – Les inégalités contribuent-elles à l’instabilité financière ? CEPII – Blog 30 janvier 2015

Lyon - Novembre 2016

Quelques éléments de réflexion suite à la lecture de Steve Keen – L’imposture économique – préfacée par Gaël Giraud – Éditions de l’Atelier – 2014

Notes de Bernard Drevon –

Steve Keen, économiste australien, est l’un des rares à avoir intégré la possibilité systémique d’une crise financière du type de la crise de 2007-2008 dite des subprimes, engendrant la Grande Récession, non pas sur la base d’intuitions mais sur celle de sa théorie et de sa modélisation, y intégrant pleinement le système financier.

Allons à ce qui semble l’essentiel pour comprendre quelques aspects de notre situation.

Partons de son chapitre XIII – Pourquoi j’ai vu venir la crise ? Son point de départ est l’œuvre de Hyman P. Minsky centrée sur l’instabilité financière dont l’ouvrage Stabiliser une économie instable, préface André Orléan, Institut Veblen/Les petits matins, 2016 vient d’être réédité. Je le cite :

« À la place du modèle néoclassique réductionniste, non monétaire, rivé à l’équilibre, sans incertitude, institutionnellement pauvre et fondé sur des individus hyper-rationnels, Minsky propose une conception strictement monétaire du capitalisme, intrinsèquement cyclique, intégrée dans un cadre temporel avec un futur fondamentalement inconnaissable, dotée d’institutions riches et holistiques, et attentives aux interactions entre les quatre entités sociales que sont les capitalistes industriels, les banquiers, les salariés et l’État. »

Sur cette base, il a beau jeu de montrer que la crise de 2007-2008 n’était pas un « cygne noir » imprévisible, mais un événement que l’on pouvait raisonnablement anticiper à condition d’être armé d’une bonne théorie.

Jérôme Maucourant, auteur d’Avez-vous lu Polanyi ?, Flammarion, 2011

Karl Polanyi (1886-1964), une pensée pour le XXIe siècle

Polanyi peut être invoqué comme l’un des inspirateurs du slogan « le monde n’est pas une marchandise ». Une de ses thèses essentielles est que la culture occidentale et le capitalisme triomphant reposent, depuis deux siècles, sur le postulat que la terre, le travail et la monnaie sont des marchandises. Or, généralement, ces « facteurs de production » n’ont pas été produits pour être vendus, à la différence des marchandises ordinaires. Il les définit donc comme des “marchandises fictives”. Cette extraordinaire conception recouvre d’un voile idéologique la réalité de la nature, de l’homme et de la société.
Polanyi développe une conception originale de la monnaie comme une institution permettant d’évaluer et de payer des dettes bien avant l’émergence des marchés, car les dettes ont des origines sociales avant d’être économiques. La dimension politico-symbolique de la monnaie ne disparut pas car très vite se pratiquent des politiques monétaires nationales nécessaires au fonctionnement des marchés. Une fois que les marchés se sont suffisamment développés pour se lier entre eux, ils constituent alors le Grand Marché, système doué de capacités autorégulatrices.

 


Actualité : Éléments du débat sur la loi sur le code du travail

Articles de :

1/ T. Gadjos - Quatre figures rhétoriques du projet El Khomri - Le Monde 11 mars 2016 , 2/ une tribune critique publiée dans Le Monde "La loi travail ne réduira pas le chômage" (T. Piketty, D. Cohen et alii...) - 10 mars 2016, 3/ une tribune favorable à la loi "Cette réforme est avancée pour les plus fragiles" Le Monde - 5 mars 2016 - 4/ un article critique de Daniel Cohen - On ne change pas le marché du travail par décret - 3 mars 2016, 5/ Article de Eric Heyer, Dominique Méda - Une autre voie pour le travail - Le Monde 2 mars 2016 et 6/ La méthode retenue est brouillonne et confuse - Antoine Lyon-Caen - Le Monde - 2 mars 2016


Quatre figures rhétoriques du projet El Khomri

Par Thibault Gajdos

Le monde daté du 11 mars 2016

En 1991, l'économiste Albert Hirschman (1915-2012) publiait une analyse acérée des figures de rhétorique déployées depuis le XVIIIe siècle contre les conquêtes progressistes (Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Fayard). Par une étrange inversion, les arguments mobilisés dans le passé pour lutter contre l'instauration de nouveaux droits sont désormais employés pour défaire les droits acquis au nom du progrès social. Le projet de loi sur la réforme du code du travail en est un exemple spectaculaire.

La première figure de rhétorique identifiée par Hirschman est celle de la " thèse de l'effet pervers ". Il s'agit de prétendre que les réformes auront les effets exactement contraires à ceux qu'elles visent. Ainsi, par exemple, les aides versées aux pauvres les encourageraient à la paresse et conduiraient donc en réalité à accroître la pauvreté. Avec le projet de loi sur le travail, le gouvernement retourne l'argument : en réduisant les droits des salariés et en facilitant leur licenciement, on les protégerait davantage. C'est cette idée qui permet au gouvernement de baptiser sa réforme " projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ". La thèse est osée, et l'expérience risquée.

 


Nouvelle rubrique suscitée par des questions de personnes curieuses mais éloignées d’une formation économique…

Question : mais finalement, qui crée la monnaie et comment ? La banque centrale ?
par Bernard Drevon

Sur la création monétaire et les politiques monétaires

Les banques commerciales créent de la monnaie quand elles accordent un crédit. Elles le font en monnaie scripturale, écrite donc sur leurs livres de comptes et dans leurs bilans. Ainsi si une banque commerciale t’accorde un crédit de 10 000 euros, tu as 10 000 de plus sur ton compte à ta banque A. Tu peux faire des paiements et acheter une auto en faisant un chèque. Il s’agit bien de monnaie ! Si le vendeur d’auto est aussi à la banque A pas de problème pour ta banque. Il s’agit d’un jeu d’écritures. Tu as 10 000 de moins et le vendeur 10 000 de plus. Les guichets et clients d’une même banque forment un circuit monétaire A. Remarque importante : la création de monnaie est fonction du dynamisme de l’économie. Si les agents (consommateurs, entreprises) demandent du crédit, les banques sont tentées de les suivre : on dit que la création de monnaie est endogène et non exogène. Elle dépend de la demande de crédit aux banques commerciales, donc du dynamisme de l’économie. Les banques se rémunèrent en faisant payer un intérêt.

90 % de la monnaie en circulation est constituée de monnaie scripturale crée par les banques commerciales.

Notes à partir de la conférence de Guillaume Duval -2-2-2016 -Lyon
Organisée par la Régionale de l’Apses
Et Les amis de Veblen


Réflexions sur le modèle allemand

Lieu :  Promotrans – avenue Jean Jaurès - Lyon 7 °

Au début du XX° siècle, en 1915, un économiste allemand du nom de Hauser réfléchissait déjà sur la supériorité de l’industrie allemande sur l’industrie française ! Mais à l’époque, l’industrie allemande était spécialisée dans le « bas de gamme »…

Il existe une obsession française pour les « modèles » au sens trivial des exemples à suivre. Dans les années 80 - 90, le modèle anglo-saxon de finance dérégulée a exercé une fascination sur les élites au détriment du capitalisme rhénan théorisé en son temps par Michel Albert (auparavant ce furent les modèles japonais, suédois, hollandais...).

Les réformes Schröder/Hartz (2003-2005) auraient validé la pertinence de l’application de réformes néolibérales à l’économie. En effet, l’Allemagne a connu un redressement économique avant la crise de 2008, elle traverse la crise sans trop de problèmes et acquiert une position économique dominante en Europe. D’ailleurs, les Allemands pensent que c’est grâce à ces réformes qu’ils en sont arrivés là.

Dans Le Monde Diplomatique d’août 2015, un article de François Denord, Rachel Knaebel et Pierre Rimbert,  L’ordolibéralisme allemand, une cage de fer pour le vieux continent


Un article qui a le mérite de nous rappeler les bases historiques et théoriques de ce courant de pensée qui exerce une influence déterminante sur les institutions et la gestion des crises économiques dans l’Union européenne et la zone euro (comme l’atteste la crise grecque).
Il est possible d’en tirer quelques éléments essentiels. La lecture de cet article bien enlevé est vivement recommandée par ailleurs.

Les origines

En 1933 à Fribourg-en-Brisgau, trois universitaires réfléchissent : Walter Eucken (1891-1950), économiste, Franz Böhm (1895-1977) et Hans Grossmann-Doerth (1894-1944), juristes. Ensemble, ils élaborent un programme de recherche articulé autour de la notion d’ordre (Ordnung) comprise à la fois comme constitution économique et comme règle du jeu. Pour neutraliser les cartels et éviter que la guerre économique ne dégénère, il faut un État fort. « L’État doit consciemment construire les structures, le cadre institutionnel, l’ordre dans lesquels l’économie fonctionne. Mais il ne doit pas diriger le processus économique lui-même. » W. Eucken

Jérôme Maucourant, Beyrouth, le 10 juin 2015.

Synthèse de la table ronde d’économie politique des 8 et 9 juin :
l’économie institutionnelle et la pluralité des capitalisme

J’ai eu le grand l’honneur d’assurer la coordination scientifique de cette table ronde. Je tiens, par la présente, tout d’abord, à remercier Mohamad Salhab pour ce projet de réflexion sur l’institutionnalisme à Beyrouth et pour les moyens que son université et l’AUF ont consacrés à cette fin. Et, je n’oublie pas de remercier Sylvie Devigne pour son concours à cet événement qui lui doit beaucoup.
On sait ce genre d’événements rares dans un temps où le savoir est de plus en plus sacrifié au profit d’autres dimensions jugées prioritaires, en un temps où l’utilité des choses se dissout dans l’unidimensionnalité de l’évaluation mercantile.
Cette table ronde a tenté d’articuler deux préoccupations soudées à la perspective institutionnaliste. La première fut centrée sur l’œuvre de Veblen, ce penseur du début du XXième siècle qui a pensé la nature essentiellement prédatrice du capitalisme en voie de financiarisation, ce capitalisme ou « système des prix » qu’il a su décrire avec une verve remarquable.  Le deuxième préoccupation concerne la logique de capitalismes contemporains où les mécanismes prédateurs sont singulièrement saillants.

 

Autour de Thorstein Veblen

Vous trouverez ci-dessous les résumés de certaines interventions de la Journée d'étude - Autour de Thorstein Veblen - Sociologie économique et critique sociale - Vendredi 13 mars 2015 - Université Paris Ouet Nanterre La Défense - Organisation Christian Lazzeri et Alice Le Goff

Pour le moment sont disponibles

1 - Valeur, marché et progrès dans la pensée de Thorstein Veblen

Olivier BRETTE
INSA de Lyon, CNRS UMR 5206 Triangle, Université de Lyon
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


2 - Intervention de Jérôme Maucourant - Triangle UMR 5206 - Maître de conférence - Université J. Monnet de Saint Étienne - Auteur de Avez-vous lu Polanyi ?

L’économie de l’illusion selon Thorstein Veblen

3- Intervention de Nicolas Poirier - Thorstein Veblen et le destin des signes ostentatoires

Note de lecture

Le livre noir des banques – Les liens qui libèrent – février 2015 – ISBN  979-10-209-0179-8 – Ouvrage collectif sous l’égide de Attac et Basta !

Nous pouvions craindre à la lecture du titre et des commanditaires un ouvrage strictement polémique et sans grand contenu factuel. Il faut avouer que sa lecture procure une agréable surprise de ce point de vue. Bien entendu, le projet est critique mais si bien documenté qu’il constitue plutôt une synthèse d’informations que l’on trouvait éparses dans une multitude de rapports, d’articles et d’ouvrages consacrés à la question de la place et de la fonction des banques dans l’économie et la société française.

 

Vers un krach obligataire et financier ?
Extraits de la conclusion de Flash Économie - Natixis – 27 mars 2015
Le texte entier ici
La prochaine crise sera probablement une crise des investisseurs institutionnels
La politique monétaire très expansionniste de la BCE a conduit à une très forte baisse des taux d’intérêt à long terme, à l’écrasement des primes de risque avec l’abondance de la liquidité et le report des investisseurs sur les actifs financiers plus risqués pour obtenir des rendements plus élevés, elle a conduit aussi à une forte hausse du marché des actions.

Aux Etats-Unis, les grandes entreprises rachètent leurs actions en masse. Elles ont pourtant été créées pour collecter de l'argent afin de mener à bien leurs projets. Mais alors, d'où viendra la croissance de demain ?

de Jean-Marc Vittori


Article(s) associé(s)
• Les sociétés américaines reversent des sommes record aux actionnaires
• Le CAC 40 a versé 56 milliards à ses actionnaires l'an dernier
• Le succès d'Apple se lit aussi sur le marché obligataire


Non, désolé, j'ai vraiment trop d'argent. Je ne sais pas quoi en faire. Je préfère vous le rendre. Ce message sidérant ne vient pas d'un Etat confetti brusquement enrichi ou d'un milliardaire illuminé d'un coup par la lutte contre la pauvreté prônée par le pape François, mais… des grandes entreprises américaines. L'an dernier, elles ont gagné de l'argent comme jamais. Leurs bénéfices dépassent 12 % du PIB, un record historique, deux fois plus que la moyenne de long terme. Celles qui font partie de l'indice boursier S&P 500 ont rentré plus de 1.000 milliards de dollars de profits. Elles en ont versé un tiers (350 milliards) à leurs actionnaires sous forme de dividendes, une proportion assez classique. Mais elles leur ont aussi racheté des actions... pour plus de 550 milliards, le plus souvent pour les détruire. Trois quarts d'entre elles sont des adeptes de ce « buyback », comme on dit aux Etats-Unis. C'est le coeur du capitalisme qui est touché.

 

Note de lecture

James K. Galbraith, La grande crise – Comment en sortir autrement – Économie humaine – Seuil – janvier 2015)  ISBN 978.2.02.121951.7
Par Bernard Drevon - à paraître prochainement dans la revue Idées économiques et sociales - Canopé - CNDP

James K. Galbraith est professeur à l’université du Texas, fils de John K. Galbraith le célèbre économiste auteur du Nouvel État industriel. C’est un économiste américain de renommée internationale, l’une des figures incarnant l’économie hétérodoxe.
Pour aller à l’essentiel, il considère que l’analyse économique s’est coupée à tort des enseignements de la physique d’une part et des autres sciences sociales d’autre part en adoptant une approche de la croissance fondée sur les variables travail, capital et progrès technique. Adaptée à la période d’après seconde guerre mondiale, elle entrerait en crise dès la fin des années 1960 avec la hausse des coûts de production liée à la raréfaction des sources d’énergie. La hausse et l’instabilité chronique des prix du pétrole réduiraient les possibilités d’assurer une rentabilité suffisante de longue période aux capitaux investis. De même, le dérèglement climatique imposerait des limites à la croissance dans un proche avenir.

 

Pour comprendre la crise européenne


Quelques notes sur le livre de James K. Galbraith – La grande crise – Comment en sortir autrement ? Economie humaine – Seuil – janvier 2015-02-02
Bernard Drevon


Chapitre 13 – Y-a-t-il une crise européenne ?

Dès le départ, la crise économique de l’Europe a été séparée de celle des Etats-Unis par des choix de vocabulaire et de cadrage. On parle de « crise grecque ». L’expression suggère que la source essentielle du problème est la situation financière de ce pays et le comportement de son gouvernement. De même pour l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et l’Italie. Au lieu d’une seule crise, on a donc 5, chacune dotée de ses causes spécifiques. À en croire l’analyse largement admise, la Grèce a un secteur public trop lourd, un système fiscal défectueux, une politique clientéliste et une culture de l’indolence. L’Irlande a laissé la spéculation sur l’immobilier de bureau échapper à tout contrôle, puis a fâcheusement décidé de garantir tous les dépôts dans ses banques démesurément gonflées. En Espagne, il y a eu une bulle massive de l’immobilier résidentiel. Le Portugal a une industrie non compétitive. Etc.
Aucune de ces assertions n’est fausse. Mais ce n’est pas le seul cadrage que nous observons, même dans des cercles orthodoxes. Il arrive aussi que l’on réunisse tous les pays en crise sous l’acronyme PIGS. On suggère alors que la périphérie méditerranéenne de l’Europe partage un ensemble de traits communs. Lesquels au juste ? Le mal commun serait (ce n’est pas dit bien sûr mais sous entendu) un type ethnique. Bien entendu rien n’est vrai. Les Grecs travaillent plus que les Allemands par ex.  Et l’adéquation des Irlandais au paradigme du paresseux aimant se dorer au soleil n’est pas entièrement transparente…
Si ce cadre d’analyse est pertinent - ces pays sont victimes de leurs faiblesses institutionnelles ou de leurs erreurs politiques (ou des défauts de son caractère et de sa culture), le remède anticrise est clair. C’est la « réforme ». Les institutions, la culture, la politique nationale, les habitudes personnelles doivent changer. Les marchés du travail doivent être flexibilisés. L’industrie doit devenir compétitive. Les actifs publics doivent être vendus… La récompense sera le retour de la confiance, et avec le retour des marchés financiers la baisse des taux d’intérêt sur la dette… Voilà à quoi mène logiquement la décision de travailler sur la base d’un modèle national – ou racial – des crises.

 

Le Monde 29/1/2015

Dans Le Monde du 4 juillet 2012, plusieurs grandes voix des sciences sociales demandaient au gouvernement de garantir le pluralisme au sein des institutions de recherche et d’enseignement de l’économie, pluralisme sans lequel il ne saurait y avoir, dans notre pays, un débat démocratique informé et rigoureux. Il s’agissait alors de tirer les leçons de la crise financière de 2008 qui avait montré combien pouvait être contre-productive une pensée économique trop homogène et trop sûre d’elle-même.
Or, nous sommes aujourd’hui obligés de constater que rien n’a changé, ni dans les programmes de recherche, ni dans l’enseignement. Cela tient à la position de monopole qu’occupent aujourd’hui les approches dites mainstream (« dominantes »).

 

James K. Galbraith raconte une anecdote piquante à la fin de son livre L’État prédateur publié au Seuil en 2009 (1° édition New York 2008). Rendant visite à son père John Kenneth Galbraith (le célèbre économiste auteur Du nouvel État industriel – 1967 – trad. 1968 Gallimard) très malade à l’hôpital, comme il lui parlait de son travail, ce dernier lui déclara : « Tu devrais écrire un livre court sur la prédation d’entreprise. Cela fera de toi la grande voix économique de ta génération. » Il s’est tu, puis a ajouté avec sa modestie habituelle : « Si je pouvais le faire, je t’éclipserais complètement. » ! (cette note a été publiée dans la revue Idées économiques et sociales - Juin 2012)

* Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2014 -

Pour une critique, voir La France, portrait social - Insee - Novembre 2014 dans Documents sur notre site

Un ouvrage qui pose des questions sensibles. Sa méthode doit être questionnée. Les conclusions sont souvent à l’emporte pièce et la seconde partie est plus contestable.

L'auteur montre la profondeur de la fracture sociale et territoriale entre une France des métropoles qui s’en tire plutôt bien en s'insérant dans la mondialisation (comme Lyon et sa région) et une France des classes populaires renvoyées à la grande périphérie des villes, mais aussi de l’espace géographique (espaces ruraux, villes moyennes).

Bref la course à l’entre soi des riches (depuis longtemps pratiquée), mais aussi des pauvres et des classes moyennes se poursuivrait…  Tout se passerait selon lui comme si les couches sociales pratiquaient l’évitement en fuyant silencieusement l’autre : les classes populaires partent des banlieues ou des anciens centre villes, chassées par la spéculation, le chômage industriel et l’arrivée des nouveaux migrants ; les anciens immigrés partent vers la première périphérie, les classes moyennes diplômées pratiquent l’entre soi des quartiers branchés, les riches aussi dans leurs isolats de luxe (Neuilly etc…). Au passage il pourfend l’idée que les classes populaires seraient fondamentalement plus racistes que les autres. Elles sont en première ligne pour affronter les problèmes que posent l’arrivée de populations  "autres " et elles le font plutôt pacifiquement... Les banlieues ne constitueraient pas des zones à peuplement stable, mais des sas accueillant des immigrés nouveaux, les plus anciens aux parcours d'intégration réussis quittant ces zones urbaines.

Cet ouvrage appelle à une réorientation des politiques publiques : les politiques de la ville ont été massivement orientées vers les populations immigrées des banlieues pauvres et les classes populaires autochtones ont été trop délaissées, souvent dispersées dans l'espace rural et périurbain. D'où la montée du vote Front National dans ces espaces ruraux et périurbains...

Ce livre a fait grand bruit y compris au sommet de l’État. A creuser...

 

 

Les pauvres vivent majoritairement dans les villes centres et les banlieues des
agglomérations.

Le Monde critique chiffres à l'appui la thèse de C. Guilluy - La France périphérique

Le document Insee en pdf ici

Voir aussi le blog d'Olivier Bouba Olga


Le Monde du 9 décembre 2014


Et pas dans les couronnes. Selon une étude de l’INSEE, publiée dans France, Portrait social le 19 novembre, la fracture territoriale n’a guère changé : elle passe toujours entre les villes et leurs banlieues d’un côté et les espaces périurbains de l’autre, et entre les villes et les espaces ruraux.Dans sa note, l’auteur, Jean-Michel Floch, explique que, si la crise économique a entraîné une baisse du revenu médian des ménages, un certain rééquilibrage entre territoires s’est opéré au profit des communes à l’écart des villes. Et dans les grands pôles urbains, ce sont les couronnes qui apparaissent plus riches que les villes et leurs banlieues.
Le constat vient ainsi à rebours des thèses de Christophe Guilluy, développées dans La France périphérique (Flammarion, 192 pages, 18 euros). Dans son ouvrage, le géographe assure, cartes à l’appui, que « la question sociale n’est pas circonscrite de l’autre côté du périph, mais de l’autre côté des métropoles, dans les espaces ruraux, les petites villes, les villes moyennes, dans certains espaces périurbains ».

Dietrich Hoss - Théorie critique : la question de la pratique
Exposé de la conférence donnée le 27 novembre 2014 sur l’invitation de l’Association des Amis de Thorstein Veblen à l’Université Lyon 3

Note sur John Dewey - Après le libéralisme – Ses impasses, son avenir – Climats – Flammarion – 2014 – 1935 – ALL dans le texte.

Cette note est très largement inspirée de l’excellente préface de Guillaume Garreta, mais n’engage que moi pour les erreurs, déformations et approximations.
Bernard Drevon

Réflexion sur le terme même de libéralisme

Un concept « essentiellement contesté »

Tout était simple lorsqu’il n’y avait pas lieu de distinguer entre libéralisme politique et économique (jusqu’au milieu du XIX ° siècle). Les revendications des libertés de pensée, de conscience, d’expression et des libertés d’être propriétaire, de commercer, de contracter, d’entreprendre étaient solidaires dans le combat contre l’ordre ancien et hiérarchisé des oligarchies et des coutumes. La situation se complexifie lorsque le libéralisme est retourné en idéologie de la classe dominante justifiant le laisser-faire le plus débridé de l’économie capitaliste à partir de la seconde moitié du XIX ° siècle, en s’opposant à toute intervention et régulation de l’État, toujours au nom des « mêmes » droits et libertés individuels.
Dès lors les libéraux « modernes », revendiquant les droits-créances et l’intervention de l’État pour garantir une égale ou du moins possible réalisation des droits des plus faibles, et les libéraux « classiques » la refusant au nom des libertés naturelles individuelles et du marché libre, se réclament tous du libéralisme, au moins jusqu’à la fin des années 1930.
Cela pousse J. Dewey à une réflexion sur l’historicité et l’usage politique des termes à rebours de leur valence première (comme « démocratie populaire » ou « État des travailleurs » nazi). Pour lui, le libéralisme qui fait des individus des « atomes » newtoniens dotés d’une liberté inhérente et n’entretenant entre eux que des relations externes, dont l’harmonie ne saurait être perturbée par un troisième terme englobant, n’est plus qu’un « pseudo-libéralisme », du fait du changement radical des fronts et des luttes à mener.

Bulletin d’adhésion Les amis de Thorstein Veblen
Association loi de 1901- Statuts déposés à la Préfecture du Rhône
c/o B. Drevon 4, rue des Farges – 69005 - Lyon

 

Ernst Lohoff – Norbert Trenkle

La grande dévalorisation

Pourquoi la spéculation et la dette de l’État ne sont pas les causes de la crise


Post Éditions – 2012 – 2014 pour la version française – 347 pages –
ISBN 979-10-92616-03-3


Cet ouvrage est hautement recommandable car il vise à contester un certain nombre  d’idées reçues, surtout à gauche et même à « gauche de la gauche », concernant les causes de la crise de 2008 et ses conséquences dévastatrices sur nos sociétés contemporaines.
En effet, pour ces auteurs allemands, la crise n’est pas seulement liée à des excès ou des phénomènes irrationnels qu’il serait possible de contrer par des mesures correctrices visant à « moraliser » le capitalisme. Bien au contraire, ils démontrent que le développement de la finance et sa dérégulation sont des phénomènes devenus structurels et caractéristiques du capitalisme post-fordiste contemporain. Toutefois, il ne s’agit pas pour eux de justifier la spéculation ou d’en atténuer les effets dévastateurs sur l’équilibre économique et social. Bien au contraire, ils cherchent à montrer qu’elle est devenue une caractéristique du système économique contemporain dénommé le « capitalisme inversé »  par opposition au « capitalisme classique » où la production de valeur dans l’économie réelle permettait de rembourser les dettes et de valider les anticipations. Le développement de la finance, avec tous ses excès, caractériserait donc une ultime étape du développement capitaliste, capitalisme dont il faudrait songer à s’extraire plutôt que de rechercher des moyens d’en prolonger la survie par des remèdes néolibéraux ou néokeynésiens (voir le débat actuel sur la « croissance »).
Je me contenterai de donner les éléments les plus caractéristiques de leur démonstration sans viser à une fiche de lecture exhaustive.

Genèses Du Néolibéralisme – Par Frédéric Lebaron
Contribution à une analyse sociologique du cas français ?- 1998


Comment les idées néolibérales ont-elles pu dominer les élites politiques, économiques et médiatiques, à droite et à gauche, à partir du début des années 1980 en France ? Comment ont-elles pu devenir la matrice des politiques publiques nationales (et européennes), du « tournant de la rigueur » de Mitterrand-Mauroy en 1983 au « tournant patronal » de Hollande-Valls de 2014 ? L’esquisse magistrale de réponse proposée dans ce texte inédit par le sociologue Frédéric Lebaron évite les écueils de l’économisme (la logique économique du capitalisme produirait mécaniquement l’application politique de ces idées), du conspirationnisme (la manipulation conscience par quelques lobbys dans l’ombre constituerait l’explication principale), de la focalisation obsessionnelle sur les médias (« la propagande des médias dominants » avec ses « nouveaux chiens de garde » serait le mécanisme majeur) et de l’idéalisme (la force propre des idées libérales rendrait compte de leur succès). Il se concentre alors sur les interférences et la conjonction de transformations non coordonnées au départ opérant dans des champs (politique, technocratique, économique, intellectuel et journalistique, tout particulièrement) différents et autonomes de la société, avec une analyse s’inscrivant dans le cadre de la sociologie critique initiée par Pierre Bourdieu (1930-2002).