Les pauvres vivent majoritairement dans les villes centres et les banlieues des
agglomérations.

Le Monde critique chiffres à l'appui la thèse de C. Guilluy - La France périphérique

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Voir aussi le blog d'Olivier Bouba Olga


Le Monde du 9 décembre 2014


Et pas dans les couronnes. Selon une étude de l’INSEE, publiée dans France, Portrait social le 19 novembre, la fracture territoriale n’a guère changé : elle passe toujours entre les villes et leurs banlieues d’un côté et les espaces périurbains de l’autre, et entre les villes et les espaces ruraux.Dans sa note, l’auteur, Jean-Michel Floch, explique que, si la crise économique a entraîné une baisse du revenu médian des ménages, un certain rééquilibrage entre territoires s’est opéré au profit des communes à l’écart des villes. Et dans les grands pôles urbains, ce sont les couronnes qui apparaissent plus riches que les villes et leurs banlieues.
Le constat vient ainsi à rebours des thèses de Christophe Guilluy, développées dans La France périphérique (Flammarion, 192 pages, 18 euros). Dans son ouvrage, le géographe assure, cartes à l’appui, que « la question sociale n’est pas circonscrite de l’autre côté du périph, mais de l’autre côté des métropoles, dans les espaces ruraux, les petites villes, les villes moyennes, dans certains espaces périurbains ».

Nouvelles classes populaires

A ses yeux, c’est dans ces territoires, loin des grandes villes et leurs banlieues proches, que seraient désormais ancrées les nouvelles classes populaires. La note de l’INSEE permet un autre éclairage. Le périurbain s’en sort mieux que les banlieues populaires et certains centres-villes, répond ainsi Jean-Michel Floch. « Les couronnes sont des espaces où les revenus sont élevés. Elles ont connu une évolution souvent favorable selon les territoires », explique le chercheur.
Leur revenu annuel médian est en effet, en moyenne, supérieur d’environ 900 euros à celui des pôles urbains en 2011. La carte diffusée dans la note est très claire : les différentes agglomérations présentent toutes – à l’exception notable de Paris et Lyon – une zone centrale, où les rentrées sont plus faibles, entourée d’un halo où elles sont plus élevées. Pour étayer sa thèse, le statisticien insiste : le phénomène serait notable « dans plus de 90 % des grandes aires urbaines ». Dans plus de la moitié des métropoles, les revenus sont même plus élevés dans la banlieue que dans la couronne : c’est le cas à Toulouse, Nice ou Rennes.
C’est l’inverse dans d’autres villes comme Marseille, Lille et Strasbourg où les communes périphériques sont plus riches. Paris et Lyon font exception : leurs centres concentrent les revenus les plus élevés ; viennent ensuite les couronnes. Certaines banlieues – particulièrement au Nord – enregistrent, elles, les taux de pauvreté les plus forts.

« Même répartition »

Le décrochage des pôles urbains est net : deux tiers d’entre eux présentent à la fois des revenus plus faibles et une croissance moins rapide. A l’inverse, plus de la moitié des zones périurbaines continuent à dépasser la médiane métropolitaine. L’INSEE vient ainsi corroborer les recherches du Centre d’observation et de mesure des politiques d’action sociale publiées en janvier.

« On peut prendre les données dans tous les sens, on a toujours la même répartition : les plus pauvres sont à 34,7 % dans les banlieues, à 23,2 % dans les villes centres contre 5,3 % en couronne et 4,6 % dans le rural isolé », souligne Louis Maurin, un des consultants du bureau d’études.

A ses yeux, Christophe Guilluy a fait beaucoup de mal à l’analyse des revenus sur le territoire : « Les statistiques ne dessinent pas une France périphérique à l’abandon. » Même si pour certains, l’écart entre leurs aspirations et l’ascension sociale réelle peut-être source de frustration, « les périurbains sont plutôt des couches moyennes et favorisées ».