Note de lecture de Bernard Drevon sur l'ouvrage coordonné par Benjamin Coriat, Thomas Coutrot, Dany Lang et Henri Sterdyniak

Une version synthétique est publié dans le numéro 170 de la revue Idées économiques et sociales de décembre 2012.

L'Europe mal-traitée - Refuser le Pacte budgétaire et ouvrir d'autres perspectives - LLL - Les liens qui libèrent - 2012

Les amis de Veblen conseillent vivement la lecture de cet ouvrage des économistes atterrés.

Comme le souligne la quatrième de couverture, le 2 mars 2012, un nouveau traité, pompeusement intitulé « Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG), dit aussi « Pacte budgétaire », a été adopté par les chefs d'État et de gouvernement de la zone Euro. Ce court traité est d'une importance capitale. Après Maastricht et Lisbonne, il constitue un Acte III de l'histoire de l'euro, radicalisant de façon inédite les principes ordo-libéraux qui président, depuis son origine, à la construction de la monnaie unique.

En paralysant les politiques budgétaires nationales, en installant la prétendue « règle d'or » budgétaire, ce traité va plonger l'Union européenne dans une austérité perpétuelle. Ne s'attaquant à aucune des causes de la crise actuelle, il risque d'aboutir à l'explosion de l'euro et à l'effondrement de la démocratie en Europe. Le moment est venu de la constater : ce traité ne peut être simplement « complété », il doit laisser place à de nouvelles fondations.

Ce traité s’interprète aussi par ses manques : pas un mot sur la finance, ni sur la manière dont elle a aggravé très fortement les déséquilibres du capitalisme. Rien n’est proposé non plus sur l’influence déstabilisante des marchés financiers sur nos sociétés (krachs récurrents), rien sur l’interdiction faite à la BCE de financer les déficits publics alors qu’elle inonde les banques privées de liquidité à de faibles taux d’intérêt pour les prêter aux Etats à des taux bien supérieurs, rien sur l’aggravation du chômage, des inégalités, rien sur les cadeaux fiscaux qui ont vidé partout les recettes fiscales. Les seuls enjeux dignes d’intérêt sont les déficits publics « excessifs » et les dettes souveraines « insoutenables ».

Comme nos dirigeants ne sont pas aveugles, nous pouvons nous demander quel est « l’agenda caché » du traité ? Les auteurs souhaitent alerter les citoyens sur les dangers que ce Pacte budgétaire fait courir aux peuples d’Europe s’il était adopté (ce qui semble devoir être le cas en cette toute fin du mois de juin 2012 – NDR).

L’ouvrage se compose de quatre parties. La première partie caractérise le contenu des mesures économiques contenues dans ce Pacte budgétaire. Puis, les auteurs montrent en quoi ce Pacte aggrave le déficit démocratique. Une troisième partie souligne que ce traité a toutes chances d’accélérer la décomposition de la zone euro et de l’Union européenne. Puis, les auteurs montrent qu’il est vain d’amender ce traité par des dispositions complémentaires. Enfin l’ouvrage se termine par des propositions « positives » en conclusion.

 

La première partie s’intitule « Un pacte pour l’austérité perpétuelle ». Ce chapitre commence par le bilan catastrophique de la construction européenne actuelle dominée par le néolibéralisme. Incapables de juguler la crise dans ce cadre, les classes dirigeantes et la technocratie européenne se servent même de celle-ci pour réduire les dépenses publiques, affaiblir le modèle social européen et le droit du travail. Le Pacte budgétaire constitue une nouvelle étape : il s’agit d’imposer aux peuples sans les consulter un traité qui graverait dans le marbre ces politiques économiquement suicidaires.

On peut se demander si ces politiques visent à sauver l’euro ou si elles n’ont pas un agenda caché : imposer aux peuples européens un ajustement structurel de grande ampleur afin de restaurer la compétitivité de l’Europe dans la guerre économique mondiale, face à la Chine et aux émergents.

La suite se décline en quelques propositions. Le Pacte budgétaire repose sur un diagnostic mensonger : ce serait le manque de discipline budgétaire qui serait responsable des difficultés de la zone euro. Rien n’est plus faux : avant la crise, les pays de la zone euro ne se caractérisaient pas par des déficits publics particulièrement élevés (1, 5 % pour la zone). Seule la Grèce présentait un déficit excessif. L’Irlande ou l’Espagne ne présentaient aucun déficit public !

Seconde proposition : le Pacte de stabilité et de croissance de 1999, prolongeant le Traité de Maastricht (1991) est un échec. Il a laissé se développer des déséquilibres intra européens entre le Nord qui accumulait des gains de compétitivité (faible inflation, taux d’intérêt réels forts) et Sud entraînés dans une bulle immobilière et endettement privé croissant (forte inflation, taux d’intérêt réels négatifs). A cela s’est ajoutée la dérégulation financière, les pays et les agents privés étant de plus en plus dépendants des marchés. Au lieu d’en prendre acte, le nouveau Traité propose d’en durcir les conditions : déficits publics, dette souveraine !

Le Pacte budgétaire corsète définitivement les politiques économiques. La situation budgétaires des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent ; « cette règle est considérée comme respectée si le déficit structurel annuel des administrations publiques est inférieur à 0, 5 % du PIB. » Cette « règle d’or » est assortie de sanctions automatiques si un pays venait à s’en écarter !

Cette règle est absurde et dangereuse : dans la zone euro, les États ne contrôlent déjà plus ni le taux d’intérêt, ni le taux de change (qui sont sous contrôle de la Banque Centrale Européenne elle-même indépendante). La véritable « règle d’or » serait de garantir une demande suffisante, induisant un niveau de production ne provoquant ni chômage de masse, ni accélération de l’inflation. Et de permettre aussi le financement d’investissements publics s’inscrivant dans le long terme comme l’éducation, la santé, des projets d’infrastructure, de grands programmes productifs dont les revenus permettraient le remboursement de la dette.

 

Troisième proposition : Si un pays sortait des clous du Pacte, il se verrait imposer automatiquement un programme de réformes structurelles, soumis par le Conseil européen et la Commission européenne (article 5). Cette procédure de déficit excessif (PDE) comporte en général (23 pays y sont déjà soumis sur 27 en 2012 ) une réforme des retraites (baisse de leur niveau, report de l’âge y ouvrant droit), une baisse du salaire minimum, des prestations sociales (comme en Irlande, Grèce, Portugal), une réduction des protections contre les licenciements (Grèce, Espagne, Portugal), une suspension de la négociation collective de branche au profit de la négociation d’entreprise, plus favorable au patronat (Italie, Espagne), une déréglementation des professions fermées (taxis, notaires, architectes…). Le tout est censé libérer un « nouveau potentiel de croissance ». Ce qui est certain, c’est que ces réformes affaiblissent les salariés, et accroissent les inégalités, la précarité et le chômage. En revanche, aucune « réforme structurelle » visant à briser la domination des marchés financiers, à augmenter les impôts des plus riches et à préparer la transition écologique n'est prévue par le Traité !

Quatrième proposition : Le Pacte a toute chance d’accroître l’endettement public alors qu’il est censé le limiter à 60 % du PIB… En effet, les pays en difficulté devront actionner les freins en pleine récession (politique « pro-cyclique"). Augmenter les impôts, baisser les dépenses, accroîtra mécaniquement la récession et au bout du compte déficit et dette !

Cinquième proposition : la coordination des politiques économiques des États membres ne portent en aucun cas sur une véritable stratégie commune portant sur le plein emploi, la transition écologique, les solidarités sociales et inter-étatiques. Il s’agit seulement d’entraver les politiques budgétaires nationales et d’imposer à chaque État des mesures restrictives : baisse du nombre de fonctionnaires, hausse de la TVA…

Sixième proposition : le concept de déficit structurel est hautement controversé sur le plan théorique et empirique ! Il convient en effet d’évaluer la croissance « potentielle » du pays (en situation « normale »), et d’y confronter le déficit public, indépendamment des fluctuations conjoncturelles. Cet exercice est formateur pour des étudiants, mais beaucoup plus délicat à mettre en œuvre par des administrations ! Quel est le niveau de la production potentielle ? quel est l’écart avec la production réelle ? Que serait le « bon » déficit ? Tout dépendra des théories mises en œuvre et il est certain que la Commission (seule juge in fine) s’inspirera de la vulgate libérale…

 

Conclusion du premier chapitre : le Pacte budgétaire marque une nouvelle étape d’une double offensive libérale, contre l’autonomie des politiques budgétaires nationales et contre les pratiques de politique économique, largement inspirées du keynésianisme, qui s’étaient imposées presque partout dans le monde.

 

 

Le chapitre 2 s’intitule Un Pacte contre la démocratie. Ce Traité vise à restreindre encore ce qu’il restait d’espaces de délibération et de choix possibles pour les élus responsables de leurs actes devant leurs mandants.

En effet, il s’agit de réduire la politique économique à l’application d’une règle d’équilibre budgétaire qui acquiert le fondement juridique suprême : l’inscription dans les Constitutions. Citons le texte du Traité – article 3 : « Les règles énoncées au § 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes (…) au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférences constitutionnelles (…). » Bref, désormais on ne pense plus, on ne délibère plus, on applique la règle constitutionnelle. La politique économique échappe aux parlements et aux instances démocratiques des différents pays : la monnaie est contrôlée par la Banque Centrale, elle-même indépendante, le taux de change est abandonné de facto aux marchés, et la politique budgétaire (dépenses publiques, impôts) est sous pilotage automatique.

Au lieu de prendre acte des carences d’une zone euro sans réel budget commun, sans coordination économique et sans politique active de transferts pour œuvrer à la convergence des pays de la zone, les dirigeants européens durcissent encore les règles concernant le déficit des administrations publiques en le passant de 3 % (Pacte de stabilité et de croissance – 1999) à 0, 5 % et lui donnant une puissance maximale liée à son nouveau rang de règle constitutionnelle.

Le traité institue aussi une forme de défiance inter-étatique puisque chaque État aura la possibilité de poursuivre tout autre État si les règles ne sont pas respectées (article 8, § 1). Chaque État peut saisir la Cour de justice si les dispositions du Traité (0, 5 % et convergence rapide des budgets nationaux vers l’équilibre) n’ont pas été inscrites dans des règles constitutionnelles ou de pouvoir équivalent.

La Commission européenne pourra également saisir la Cour de justice si les règles ne sont pas respectées. En cas de non respect de l’arrêt rendu, la Cour est habilitée à prononcer et faire exécuter des sanctions financières jusqu’à 0,1 % du PIB du pays concerné.

Un autre pilier du Traité est d’installer l’automaticité des mesures et des dispositions (article 3, paragraphe 1, alinéa e) : il dispose qu’au cas où un pays s’écarte de la règle (0, 5 %) « un mécanisme de correction est déclenché automatiquement (…) ce mécanisme comporte l’obligation pour la partie contractante de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période donnée. ».

Sur le chapitre de la gouvernance, le Traité est d’un flou artistique qui ne saurait remédier aux carences manifestes de l’Union européenne en ce domaine. Qui se soucie des avis de Monsieur Van Rompuy, l’actuel président de l’Union ? Les chapitres 12 et 13 indiquent que les « chefs d’État se réunissent de manière informelle lors des sommets de la zone euro » au « moins deux fois par an »… Le président de la Banque centrale est invité à participer à ces réunions. Mais on stipule que le Président du Parlement européen (seule instance réellement démocratique) ne peut être « qu’invité », le temps « d’être entendu »…

 

Chapitre 3 : un pacte qui conduit à l’implosion de l’euro…

Avant même la crise financière d’importants déséquilibres du commerce extérieur entre pays manifestaient la fragilité de l’euro. En gros, l’Europe du Nord accumulait des excédents, alors que l’Europe du Sud souffrait de forts déficits commerciaux. Ceci s’expliquait par deux séries de facteurs : d’une part des stratégies économiques antagoniques et d’autre part la fin des dévaluations avec l’instauration de la monnaie unique depuis 1992. Le couplage de stratégies néomercantilistes au Nord (et tout particulièrement en Allemagne) avec baisse des salaires réels et amputation des programmes sociaux avec l’absence de mécanismes d’ajustement type dévaluation pour le Sud a abouti à un approfondissement dramatique des divergences.

La crise financière de 2007-2008 a consacré l’échec de ces stratégies. Les pays de la périphérie (Sud) font face à une crise majeure de la dette publique, une récession et une flambée sans précédent du chômage. Au lieu d’organiser une convergence vers le haut par la relance au Nord, le Pacte de Stabilité en vigueur renforce les tendances centrifuges. Les risques d’éclatement de la zone euro sont accrus par ce couplage de l’austérité et de la récession qui accroît le poids des dettes et engendre le désespoir des peuples. Partout on assiste à la montée des votes en faveur de l’extrême droite.

Le traité de Maastricht interdisait par son article 125 toute aide financière aux États de la zone euro (clause dite de « non sauvetage »). La crise financière a fait voler cette contrainte en éclats. Il a fallu inventer le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et début 2012 le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Ces institutions d’aide financière aux pays de la zone euro en difficulté sont toutefois réservées aux pays ayant ratifié et respecté le Pacte budgétaire ! Il faudra donc passer sous les fourches caudines du Pacte pour avoir droit à l’aide du MES… Bien ficelé !

 

Le MES pourra prêter directement à un pays en difficulté financière, acheter des bons du trésor de l’État en difficulté sur le marché primaire ou sur le marché secondaire ou accorder une aide préventive ou une somme destinée à recapitaliser les institutions financières. Le MES n’est toutefois pas un organisme communautaire, mais un organe intergouvernemental. Ce sont les États membres qui contribuent au MES et le financent (et donc alourdissent leurs dettes). Le budget européen demeure fixé à 1, 2 % du PIB du PIB communautaire. Ceci signifie que les États devront continuer à se financer sur les marchés financiers. Et le MES loin de créer la confiance est de nature à stimuler la défiance car il prévoit que les créanciers privés pourront être mis à contribution et que l’État en difficulté devra négocier avec ces mêmes créanciers privés les conditions d’un éventuel rééchelonnement de la dette (comme la Grèce). Il conviendra donc que les États participent à des concours de vertu pour attirer les capitaux !

 

La solidarité ainsi obtenue dans le cadre du MES sera donc chèrement payée puisque les pays demandeurs devront se soumettre à la Troïka (Commission, BCE et FMI) qui définira un plan de redressement pour permettre le remboursement de la dette. Il s’agira d’un programme d’ajustement macroéconomique : austérité, baisse du salaire minimum, licenciement de fonctionnaires, baisse de leur salaire, etc…

 

L’’ordo-libéralisme

 

MES et TSCG sont les deux faces d’un même dispositif qui participe d’une même vision des liens entre l’État et l’économie. Il ne s’agit pas d’une vision libérale au sens usuel du terme qui ferait confiance à la « main invisible ». Dans cette vision allemande de l’ordo-libéralisme, il convient pour que le marché puisse fonctionner que l’État mette en place un cadre institutionnel et juridique contraignant permettant aux mécanismes du marché de créer de l’équilibre. Des « experts » sont censés produire les règles adéquates. L’ordo-libéralisme repose sur quatre principes : le respect de la propriété privée, le libre accès aux marchés qui implique toute une série de régulations (lutte contre les cartels, monopoles, oligopoles) ; la stabilité des prix (et donc l’indépendance des banques centrales) et l’équilibre des finances publiques…

Portée par Madame Merkel, cette vision ordo-libérale s’incarne dans les règles européennes et tout particulièrement dans le Pacte budgétaire. Chaque État doit veiller au respect de ces règles sous la surveillance des autres et de la Commission. Sinon gare à la Cour de Justice et aux pénalités ! Cette conception de la zone euro peut-elle survivre alors qu’elle est manifestement obsolète ? La seule possibilité d’éviter l’éclatement de la zone consiste en des dévaluations internes.

Sous cette expression se cache des réalités triviales. Dans l’incapacité de dévaluer, les États et leurs secteurs privés doivent regagner en compétitivité grâce à des politiques de rigueur extrêmement sévères. Il s’agit de faire baisser prix et salaires de 10, 20, 30 % pour retrouver des marges. Ceci correspond aux effets d’une dévaluation en stimulant les exportations et en freinant les importations. Mais les coûts sociaux sont énormes et l’on peut craindre un désastre culturel : démolition de la protection sociale, pauvreté, chômage… Karl Polanyi (voir Jérôme Maucourant – Avez-vous lu Polanyi ? – Champs- Flammarion ) - a montré que ce type de remède conduisait au nazisme et à la guerre dans les années 30… Faudra-t-il en passer par là ? La Grèce, l’Espagne commencent à sentir les effets de ce type de remède… Partout règne l’inquiétude et montent les voix pour les partis extrémistes, xénophobes et racistes…

 

 

Chapitre 4 : un Pacte irréformable

L’application du Pacte budgétaire, avec les réductions massives de dépenses publiques déjà prévues aura un effet récessif considérable. Les déficits seront peu réduits, et les disparités entre le nord et le sud de l’Europe considérablement aggravées.

Peut-on dès lors amender le Pacte budgétaire en le complétant par des dispositions sur la croissance et l’emploi ? Telle est l’option défendue par François Hollande.

On sait que Madame Merkel et Mario Draghi n’entendent pas la même chose que François Hollande pour relancer la croissance. Pour les libéraux la croissance ne peut provenir que de réformes structurelles : réforme du marché du travail vers plus de flexibilité, réduction des coûts salariaux indirects et de la pression fiscale, signature rapide par l’UE de nouveaux accords de libre-échange.

Cependant, les sociaux-démocrates, mais aussi d’autres responsables bruxellois ou européens, veulent donner un rôle plus actif aux institutions européennes. L’idée est la suivante : certes, il faut des mesures d’austérité pour réduire les déficits de façon urgente, et cela risque d’avoir des effets récessifs, mais l’Union peut contrebalancer en prenant des initiatives pour la croissance.

Le problème est que les outils disponibles sont jugés rachitiques par les Atterrés. Première idée, reprogrammer les fonds structurels du budget européen qui n’ont pas encore été dépensés, soit 82 milliards d’euros. Ces fonds n’ont rien de nouveau, ils ont déjà été programmés dans le budget 2007-2013, leur emploi est prévu par la Commission d’ici fin 2013 et les États ont jusqu’à 2015 pour les consommer.

Les « project bonds » ou « emprunts obligataires orientés vers des projets » destinés à financer des investissements européens. Il s’agit de contrebalancer l’impact récessif par une incitation au développement d’investissements européens à long terme pour des projets dans des domaines prioritaires comme l’énergie ou les transports. Toutefois les investissements encouragés sont exclusivement des investissements privés. La Banque européenne d’investissement finance et garantit ces project bonds, ils pourront ainsi obtenir des taux d’intérêt favorables. Il s’agit d’une variante européenne des fameux et juteux partenariat public-privé par lesquels les pouvoirs publics garantissent la rentabilité d’investissements privés dans des infrastructures d’intérêt public : l’État assume le risque et les investisseurs privés assument les profits.

Les euro-obligations sont pour le moment hors-jeu. Ces euro-obligations (en anglais euro-bonds) sont prévues pour financer des émissions de titres de dettes publiques. Cette proposition est fermement combattue par Angela Merkel qui y voit un risque majeur d’incitation au « laxisme ». Leur mise en œuvre ne serait envisageable que si le Pacte est définitivement adopté et la « règle d’or » mise en œuvre.

 

Pour les Atterrés, il ne s’agit pas de refuser la discipline budgétaire. Il est évident pour qu’une monnaie unique à divers États soit viable, il faut des politiques budgétaires harmonisées et concertées.

Ce qui rend inacceptables les règles de discipline budgétaire imposées par le Pacte, outre leur caractère automatique et antidémocratique, c’est qu’elles s’insèrent dans un contexte institutionnel de concurrence fiscale, sociale et écologique exacerbée et de domination de l’industrie financière, qui les traduit presque automatiquement en précarité, chômage et baisse des protections sociales pour les populations.

En outre, la BCE refusant d’assumer le rôle de préteur en dernier ressort, les États sont contraints d’envoyer des signaux rassurants aux marchés financiers. Ils doivent aussi subir des krachs qui aggravent déficits et chômage.

Le cadre de la libre circulation des capitaux contraint le secteur privé à garantir des niveaux de rentabilité insupportables (15 %) et le libre-échange à la pression permanente sur les coûts salariaux.

Bref dans le cadre néolibéral (concurrence fiscale, financement obligatoire sur les marchés, liberté de spéculation et libre-échange intégral) il n’y a pas grand chose à attendre de positif du fonctionnement de la zone euro.

 

Conclusion

 

Les atterrés font ensuite 12 propositions pour sortir de cette logique. Parmi celle-ci : désarmer les marchés financiers en interdisant la spéculation ; faire garantir les dettes publiques par la BCE ; renégocier les taux d’intérêt excessifs auxquels certains pays ont dû s’endetter depuis la crise (comme l’Espagne et l’Italie) ; mettre fin à la concurrence fiscale ; interdire aux banques et entreprises européennes d’avoir des activités et des filiales dans les paradis fiscaux ; réformer en profondeur le système bancaire ; mettre en place des Banques publiques de développement durable ; mettre fin aux politiques d’austérité et au contraire relancer l’activité et engager la transition écologique ; construire un véritable budget européen ; mettre en œuvre une stratégie pour une croissance sociale et écologique ; assumer une coordination des politiques macroéconomiques ; élaborer un traité pour la coordination des politiques économiques fondé sur l’emploi et la transition écologique…